Les étirements posent débat!

Depuis ma formation à l'UCL je me pose beaucoup de questions concernant les fameux étirements et j'ai décidé d'en écrire un article!

Triathlètes, cyclistes, marathonien, traileur voilà un sujet qui ne fait pas consensus .... la notion d'étirement pose problème !! Il n'y a guère que chez les gymnastes et dans le petit monde de la danse que l'on ne s'interroge pas sur le dilemme : "faire" ou "ne pas faire" ?

Chacun y va de son expérience , les uns étant des farouches opposants à toute notion d'étirement , les autres tout aussi farouchement utilisateurs de ce volet de la préparation physique .

Trois problématiques se dégagent de cette notion d'étirement post effort;

> l'étirement sur la prévention des blessures
> l'étirement sur la récupération et l'optimisation de l'entrainement
> l'étirement sur l'optimisation intrinsèque de la performance

Alors je lance le débat sur le rôle des étirements dans la prévention des blessures... (à vos stylos ou plutôt doigts sur le clavier) Lâchez vous!

Attention je ne revendique en rien la maternité de la réflexion qui suit , je me contenté de m'appuyer sur des sources concomitances qui me semblent crédibles ..... ce qui ne veut pas dire que ma position est incontestable ...
Ma position encore une fois risque de faire débat et provoquer des vagues .... mais c'est le but du jeu sur Facebook aussi non!!!
"Errare humanum est" ...

Dernier point et pas des moindres , je préfère prévenir ceux et celles pour qui l'entrainement se décline en mode "feeling" que la longue bafouille qui suit va nécessairement être une vraie "prise de tête" !!
... donc à éviter

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A titre personnel je ne suis pas une adepte des étirements dans le but de prévenir des blessures musculaires par les étirements et pour celà je m'appuie sur les nombreuses études qui contredisent le principe soutenant le bien fondé des étirements aux effets « anti-blessure musculaire »

Certes les étirements sont une composante propre de la préparation physique et d'un programme d'entrainement mais non un moyen pour éviter des blessures ou les amoindrire ..

Le docteur "Ian Shrier" spécialiste en médecine sportive canadien a fait des études dès 1999 qui ont montré que les étirements ne réduisaient en rien les blessures .
https://www.ladydavis.ca/fr/ianshrier
Pope , un autre spécialiste de la traumatologie sportive a établi les mêmes conclusions après avoir mené une expérimentation sur un très grande nombre de militaires sportifs (plus de 1000) et sur une durée assez longue d'étude (12 semaines)

Un troisième larron, Lally , va même plus loin puisqu'il a montré que sur une cohorte de 600 marathoniens , ceux qui étaient des fans des étirements accumulaient 37% de blessure en plus !!!
oups ....

Ok mais pourquoi cet effet « zéro » voir ces blessures en plus ?

L'explication proviendrait du principe suivant :

En s'étirant souvent on "habitue" le muscle à un certain seuil de douleur sur un niveau élevé d'amplitude articulaire ....
L'idée est séduisante mais voilà ... du coup on pourra effectuer des gestes avec de fortes amplitudes sans que la douleur nous rappelle trop vite à l'ordre :-(

Les anglais appellent cela le « stretch tolérance » , des experts français comme Cometti ( UFR STAPS de Dijon) appelle cela « l'effet antalgique »
.....avec le risque de blessure qui sera du paradoxalement à cet effet «anti douleur» de l'entrainement poussé sur les étirements.

La douleur est aussi un signe d'alerte , repousser le signal d'alerte peut avoir des effets désastreux !!
Il faut savoir écouter son corps au risque de filer à la catatrosphe !

Le principe de Glospink
Enfin autre raison qui appelle à la prudence sur les étirements, et en tous les cas "à ne pas en abuser", est un problème physiologique qui a été présenté il y a déjà un moment par l'ami Goldspink , il s'agit du fameux vieux principe de Glospink (élaboré en 1974) repris très souvent dans les conférences sur la physiologie sportive .

Que dit ce principe ?
Un muscle s'adapte en fonction de la longueur à laquelle il est majoritairement sollicité afin que les fibres (plus précisé ment les sarcomères) fonctionnent à leur longueur optimale .
Il est donc fort peu utile d'espérer un meilleur rendement musculaire et donc moins de blessure en pratiquant à outrance des étirements qui vont engendrer des modifications qui ne seront pas adaptés au type d'effort du sport pratiqué

Mais il faut quand même être prudent avant de généraliser car ces études concernent les effets des étirements à court terme (même si celle de Pope s'est mise en place sur 12 semaines)
De plus les études de Pope, shrier, et Lelly et ne portent pas sur une cohorte d'athlètes strictement « peu souples » et.... donc à plus hauts risques....
Une telle étude serait interessant pour évaluer plus objectivement les effets des étirements sur une population à risque.

Et après l'effort ????
Et bien là encore parfois les idées reçues ont la vie dure !!

Rien ne démontre l'intérêt des étirements pour l'évitement des courbatures par exemple !
Les études sont nombreuses pour démontrer le contraire ...
Eh oui les étirements vont même jouer l'effet inverse , s'ils sont statiques par exemple ils vont gentiment comprimer les capillaires et du coup diminuer la régénération sanguine ...
pas vraiment le top pour permettre aux muscles de récupérer !!

Alors les étirement ...pas totalement inutiles quand même !!!
Alors bien sûr les étirements ont leur place dans le cadre d'une préparation physique harmonieuse ; --> Voir le slowbalance stretching de Kettle'Fit Sport
Mais dans ce cas on les mettra en place comme une véritable séance de travail spécifique .

Les objectifs seront alors :
>> d'assouplir la chaine musculaire pour optimiser l'amélioration (modérée) de l'amplitude articulaire ou en favorisant le relachement musculaire avec une phase d'étirements intermittents dits « dynamiques »
>> d'éviter la réduction d'amplitude du mouvement qui peut se constater après un cycle ou l'endurance de force a été massivement mise en place

On entend parfois dire que l'étirement consiste à détende légèrement les muscles ....
oui mais pas que .....

Il y a au moins trois modélisations

modélisation 1 : les étirements passifs en continu:  là on va effectivement rechercher l'allongement en douceur du muscle en favorisant le relâchement.Le temps d'action sera donc assez long et de plusieurs minutes en continue

*Si ce type d'étirement ne se met pas en place avec une très grande progressivité en restant toujours très en dessous du seuil de la douleur ressentie ce type d'étirement comporte le risque d'enclencher un réflexe de contraction du muscle
Par delà ce risque plus grave est l'inconvénient difficile à éviter d'une tension qui va très souvent ralentir la circulation sanguine....
pas vraiment cool pour développer la récupération sauf si on morcelle le temps cumulé de l'étirement en uen succession de tempo ne dépassant pas les 30 secondes environ !!


modélisation 2 : les étirements par le trilogie "contracté-relâché-étiré":
l'étirement comprend alors 3 timings

1er timing : sur le principe de la modélisation 1 on allonge le muscle au maxi d'allongement maximum. puis lorsque l'on atteint de max on le tient quelques secondes (6- 8 secondes) (contraction statique)

2e timing : on relâche le muscle naturellement

3e timing : immédiatement après on repart sur un étirement progressif, l'intérêt étant que l'on aura un muscle qui sera plus souple qu'initialement donc moins tenté de réagir par réflexion pour se contracter

modélisation 3 : Les étirements intermittents dits « dynamiques »
Ils se mettent place avec des mouvement de balancier ou d'oscillations .
En évitant les à coups on recherchera une plus grande amplitude articulaire avec des grands mouvements amples
Si on travaille par à coups on va entrainer des contractions musculaires du muscle que l'on cherche à étirer ..... et qui empêcheront ainsi un étirement optimal du muscle
pas cool :-(

Illustration par 3 exemples de ces étirements dynamiques (interessants pour le trail)

1. Debout, bras tendus à l'horizontal faire des lancer de jambe tendue vers le haut et l'avant pour atteindre la main en évitant bien sûr l'inclinaison du tronc.

2. Debout faire des grands mouvements de rotations et de flexions de hanches

3. Position écartée, bras verticaux réaliser des flexions avant du tronc,tronc vertical, aller toucher un pied des deux mains avec les jambes qui restent tendue

mais il y en des centaines présentés sur internet :-D

Faut-il être nécessairement être souple pour être performant ?
Là encore vaste débat qui ne fait pas lui non plus unanimité !!
Sur cet question je la joue en mode "oui et non" !!

Il n'y pas consensus sur la pertinence ou non de la souplesse sur la performance.
On a deux positions divergentes .

Les "pour"
Ils partent d'un postulat : lorsqu'un muscle est étiré il emmagasine de l'énergie élastique qu'il va restituer lors de sa contraction ...qui sera donc plus intense
CQFD ....
Leur raisonnement se fondent sur les vieux travaux de Cavagna (1968) et ceux plus récents d' Handel et McHugh (1999)

les "contre"
Ceux-là vont jusqu'à affirmer qu'il est utile de conserver un minimum de raideur musculaire ...
Pour eux cette raideur permet d'optimiser la rapidité de transmission de la force musculaire au système osseux .
Raideur qui aura comme effet de voir les muscles réagir plus rapidement lorsqu'ils devront être porteur d'une action motrice impliquant des mouvements rapides
(et on en retrouve ici le positionnement de quelques préparateurs physiques de sprinteurs de haut niveau)
Ce positionnement s'appuie sur les travaux de Wilson (1991) qui a démontré que lorsque la production de force et puissance augmente à minima la raideur est maintenue voir augmentée.
Cette étude donne donc du crédit à l'hypothèse selon laquelle l'augmentation de raideur liée.
Un entraînement, de puissance par exemple, pourrait améliorer la restitution de l'énergie élastique emmagasinée
Là encore CQFD ...

A mon humble avis le positionnement du "contre la souplesse" est surtout porteur de sens lorsque le sport pratiqué implique de manière soutenu le fameux cycle "étirement-détente" .

Prenons le cas du trail :
A l'évidence un trail ne se pratique pas sur la même dynamique qu'un 100m même si les secteurs de descentes nécessitant une très grande vélocité sont eux aussi fortement mobilisateur du cycle étirement détente .

Cela me fait dire que si le travail de la souplesse n'est pas une priorité il peut avoir son intérêt notamment en terme de rendu de l'énergie élastique restituable lors des fortes contractions mobilisées sur les phase d'endurance de force dans les montées à fort %
Un simple avis ... non scientifique !!

Pour conclure, car je suis plutôt longue sur ce sujet :-)...
Encore une fois je ne suis en rien la "géotrouvetout" de la préparation physique :-D :-D
Au final il reste important de toujours s'interroger de manière multidirectionnelle lorsqu'une blessure arrive .
Souvent c'est un ensemble de facteurs qui en sont la cause .
Prenons le cas de la tendinite du fascia lata (TFL) qui est très souvent la conséquence du célébrissime syndrome de l'essuie-glace avec une friction du tendon sur la face externe du genou au cours de l'enchaînement flexion-extension de la jambe sur la cuisse.

Très souvent le diagnostiqe clinique reste "exclusif" avec comme unique explication le phénomène mécanique d'un appui du pied droit qui viendrait s'écraser vers l'intérieur en fin de foulée, et provoquer de ce fait une légère rotation du bassin qui viendrait faire frotter le fameux tendon fascia lata ....
Possible mais cela n'explique pas tout .... parfois d'ailleurs la cause est tout autre !!
stress, alimentation, forte acidose, efforts inahabituel répétitifs, sont aussi des causes de tendinites ....

J'ai l'exemple d'un athlète "coureur de trail de bon niveau" qui n'avait jamais été confronté à une TFL .... et qui s'en est prise une cet hiver lors d'une modeste randonnée en ski de randonnée après avoir réalisé une succession de très longues traversées en fort devers toujours sur le même côté avec la même jambe placée en hyperextension côté aval ...

Je ne suis pas extrême dans mon positionnement je n'affirme pas que les étirements sont en soi "dangereux" je voulais juste démystifier, à travers ces écrits, leurs supposés bienfaits "automatiques" en m'appuyant sur des études sérieuses indépendantes les unes des autres qui aboutissent aux mêmes conclusions pour très largement "pondérer" lesdits bienfaits.

La discussion a déjà été mise en place avec certains de mes professeurs de l' UCL et d'autres groupes. Les échanges qui se sont mis en place avec d'importantes divergences de ressentis montrent bien que le débat est ouvert !!

Et vous, qu'en pensez-vous?

Zazou Kettle' Fit www.kettlefit.be